Aujourd’hui, nombreux sont les parents qui souhaitent changer de modèle éducatif. Ayant reçu eux-mêmes une éducation plutôt autoritaire et accompagnée d’un système binaire de punition-récompense, ils souhaitent offrir à leur enfant une éducation nouvelle dans plus de respect de ce qu’ils sont. Or bien souvent, lorsque les parents ne sont pas outillés ils tombent dans l’autre extrême : la permissivité. C’est alors qu’ils se sentent facilement démunis.
Avant de débuter cet article, je tiens à préciser que le système de punition et de récompense fonctionne. Il permet, presque à chaque fois, d’obtenir un résultat immédiat. Alors pourquoi en changer ?
La punition : à qui bénéficie-t-elle ?
Il me semble que petit à petit, les parents découvrent que ce système ne permet pas la prise en compte du monde de l’enfant. Bien souvent lorsque nous punissons nous cherchons à stopper un comportement qui nous dérange, nous adultes, ou alors à avertir notre enfant qu’un comportement ne nous semble pas approprié.
« L’enfant est le dérangeur de l’adulte fatigué par des occupations toujours plus pressantes. »
Maria Montessori
Mon enfant cours sur la route : je le punis.
Pourquoi ?
Parce que moi, adulte, j’ai eu peur et je veux lui assurer sa sécurité.
Mon enfant frappe : je le punis.
Pourquoi ?
Parce que moi, adulte, je souhaite lui inculquer le respect ou parce qu’on me regarde, que va-t-on penser de moi ? J’ai honte.
…etc.
La punition nait donc d’un sentiment éveillé chez l’adulte mais ne prend pas en compte celle qui fait émerger le comportement « problématique » chez l’enfant. Savez-vous pourquoi votre enfant a couru, tapé, etc. ?
La punition pointe le comportement négatif mais permet-elle de connaître le comportement à avoir ? Elle permet, certes, à l’enfant de savoir ce qu’il ne doit pas faire, mais que doit-il faire ?
D’autres facteurs tels que le stress, la colère, la précipitation et l’impatience mènent facilement à la punition.
La punition : sens et domination
Bien souvent, les « punitions classiques » ne font que peu de sens.
« Si tu ne finis pas ton repas tu peux aller te coucher
! »
Si l’enfant n’a pas faim, a-t-il pour
autant sommeil ?
« Tu pleures, tu peux aller dans ta chambre ! »
Si l’enfant vit de la colère ou de la
tristesse, a-t-il besoin d’être seul ou au contraire accompagné ?
Un jour, un enfant que j’accompagnais m’a dit : « Dans mon école il y a une salle dans laquelle nous devons aller lorsque nous avons un mauvais comportement. »
Je le questionne : « A quoi sert cette salle ? »
Et il me répond tout naturellement et de manière très affirmée : « C’est un lieu dans lequel nous devons aller quand nous traversons un moment compliqué. »
C’est cela que la punition propose : mettre de la distance avec les sentiments et besoins qui se cachent derrière. L’enfant n’a pas besoin d’être dressé, il a besoin d’être entendu et guidé. Il a besoin d’apprendre comment gérer ses émotions, reconnaître ce dont il a besoin profondément pour être bien et trouver comment respecter aussi votre monde d’adulte et vos besoins personnels.
On observe bien souvent, par la suite, des adolescents qui s’enferment dans leurs émotions et qui n’entrent plus en lien et en communication avec leurs parents. Cela s’observe aussi chez de nombreux adultes qui ont intériorisé que montrer son émotion c’est faire preuve de faiblesse.
« D’où vient cette folle idée que pour qu’un enfant obéisse il faut d’abord qu’il se sente dévalorisé. »
Jane Nelsen
Il y a dans la punition une forme d’humiliation dans le simple fait que l’adulte impose, bien souvent par la force, sa volonté par-dessus celle de l’enfant. Il y a donc soumission.
Ce que l’on souhaite faire émerger chez nos enfants ne sont pas des sentiments de soumission, de rancœur ou de rébellion mais bien de leur permettre d’oser être, d’oser dire, d’oser exprimer ce qu’ils vivent et ressentent et de se sentir accueillis dans cela. On veut les inviter à comprendre le sens de la coopération et à avoir confiance en l’adulte.
Il ne s’agit pas de tout laisser passer à l’enfant mais bien de chercher avec lui la cause derrière le comportement qui nous dérange et d’établir entre lui et nous un consensus.
« C’est dangereux d’enseigner à un enfant qu’il n’a d’autre choix que de faire ce qu’on lui dit. »
Marshall Rosenberg
Finalement, on pourrait dire que la punition envoie un message erroné à l’enfant, lui faisant penser que l’amour est conditionnel. Thomas d’Asembourg dit que nous avons appris en tant qu’enfant la règle du « je t’aime si… ». Lorsque l’on punit le comportement négatif, on met à distance, on n’aime pas et lorsque l’on récompense on approuve, on aime.
Que souhaitez-vous pour votre enfant : qu’il agisse par crainte ou derrière votre dos, ou alors qu’il agisse intelligemment en comprenant les tenants et aboutissants de ses actions ?
Comprendre le besoin derrière le comportement difficile
On se demande facilement pour un bébé de quoi il a besoin lorsqu’il pleure, on cherche à savoir ce qui se passe pour l’aider à aller mieux. Lorsqu’un adulte pleure ou se sent mal, de la même manière on cherche à le comprendre, à l’aider. Cependant lorsqu’un enfant qui a acquis la parole et la marche se met à s’opposer, à pleurer, on parle beaucoup plus rapidement de « manipulation » voire même à l’âge de deux ans du « terrible two ». Comment peut-on alors aborder un enfant avec bienveillance, patience et empathie quand on est persuadé que celui-ci est dans une phase « terrible » et qu’il « joue avec nous » ?
Je voudrais vous inviter à essayer de chercher, avec des yeux neufs, le besoin que votre enfant cherche à exprimer derrière le comportement que vous observez. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Certes il le fait peut-être de manière maladroite et avec son cerveau immature de jeune enfant, ses réactions sont peut-être parfois incontrôlées et intenses mais elles sont là pour exprimer quelque chose, pour vous demander de l’aide. Lorsque l’on change son regard sur le comportement de notre enfant, il est alors plus facile de l’aborder avec patience et bienveillance.
Lorsque l’on a envie d’arrêter de punir on risque bien souvent de tomber dans l’autre extrême : la permissivité. Ne pas punir ne revient pas à ne pas poser de cadre mais bien à accompagner l’enfant différemment et avec autant de bienveillance que possible.
« La bienveillance ne signifie pas céder aux demandes des enfants, les protéger des frustrations, voler systématiquement à leur secours, les gâter avec excès, intervenir à chaque instant. »
Jane Nelsen
Il y a plusieurs besoins que votre enfant peut chercher à exprimer derrière un comportement difficile et c’est à vous de vous positionner comme un chercheur et de l’aider à vous exprimer ce qu’il cherche vraiment en ayant ce comportement précis.
Pour étayer ces propos, prenons l’exemple de la routine du soir :
Un soir, votre enfant refuse catégoriquement d’aller se brosser les dents et se coucher. Il tourne en rond, ne veux pas se mettre en marche. Vous insistez plusieurs fois, rien n’y fait. C’est le moment où vous pouvez avoir envie de le menacer : « si tu ne vas pas te laver les dents, tu n’auras pas d’histoire avant de dormir », etc. En général nous ne manquons jamais d’imagination pour ce type de chantage.
Prenons un instant pour nous demander : pourquoi refuse-t-il, à ce moment précis, d’aller se brosser les dents et se coucher ?
Peut-être est-il en train de faire quelque chose et il souhaite le terminer avant de monter se coucher. Dans quel cas on peut lui demander combien de temps il lui faut encore, ou simplement lui dire : « lorsque tu auras terminé, pourras tu aller brosser tes dents ». Si la tâche vous semble encore longue donnez-lui un temps précis avec un sablier ou un autre objet : « lorsque le temps sera écoulé il sera temps d’aller te laver les dents ».
Peut-être qu’il a simplement envie que vous soyez avec lui ce soir car il vous a peu vu aujourd’hui. Son besoin serait à ce moment là de passer du temps avec vous, pourquoi ne pas lui proposer de venir avec lui le temps qu’il se lave les dents et se prépare pour le couché ? Si vraiment vous êtes occupé et que vous n’avez pas ce temps à offrir à votre enfant dites-lui, par exemple, d’aller se brosser les dents et que vous le rejoindrez aussitôt pour passer un moment privilégié dans sa chambre avant le coucher.
Vous commencez à comprendre ?
Il est important de préciser qu’il n’existe pas de solution miracle et que chaque enfant s’exprime de différente manière. Ces exemples sont là pour vous aider à visualiser quels types de besoins peuvent se cacher derrière un comportement mais il y a autant de solutions qu’il y a de personnalités différentes. A vous de chercher avec votre enfant ce qu’il souhaite vous exprimer.
La récompense : pourquoi pas ?
Bien souvent la récompense est mieux perçue car elle a une connotation positive. Nous ne voyons donc pas facilement en quoi celle-ci peut poser problème.
La récompense risque de nous faire entrer dans un engrenage désagréable. En effet, lorsqu’elle est régulièrement présente, difficile de ne pas en donner tout le temps car sinon cela indique que le comportement, même s’il n’est pas négatif, n’est visiblement pas suffisant pour obtenir la récompense habituellement donnée. La récompense dérive aussi facilement vers le chantage et invite l’enfant à demander en échange de.
Au début de sa pratique il y a plus de 110 ans, Maria Montessori utilisait le système de punition-récompense. Lorsqu’elle a observé que les enfants finissaient par s’en désintéresser, elle a décidé de cesser pour les laisser se développer de manière naturelle et trouver en eux la capacité de s’auto-discipliner.
« La récompense et la punition sont des incitations à l’effort artificiel ou forcé, et par conséquent nous ne pouvons en aucun cas parler de développement naturel de l’enfant dans ce contexte. »
Maria Montessori
Les récompenses, en tant qu’incitations extrinsèques à la motivation, finissent bien souvent par casser la réelle motivation intérieure de l’enfant. Ce que nous voulons pour lui n’est pas qu’il agisse pour l’autre ou pour obtenir telle ou telle récompense, mais bien qu’il agisse pour lui, parce qu’il désire obtenir tel ou tel résultat.
Dans le livre d’Angeline Stoll Lillard Montessori, une révolution pédagogique soutenue par la science plusieurs expériences faites dans des classes montrent que les récompenses finissent par casser la motivation de l’enfant mais aussi l’énergie qu’il investit pour se dépasser.
On souhaite encourager l’enfant à être et à faire ce qui le motive au plus profond de lui, à ce qu’il fasse les choses pour sa propre construction, car il est profondément impliqué. Cela invite à la responsabilisation et à la motivation personnelle. Nous inviterons l’enfant à être fier de lui pour lui. Nous pouvons bien entendu l’accompagner à nommer ce qu’il vit en l’aidant à se nourrir de ce qu’il fait et de ce qu’il vit.
Que retenir ?
« Avec nos enfants on perd notre sens commun. C’est vrai ; quand le lait déborde de la casserole, est-ce qu’il nous viendrait à l’idée de mettre un couvercle dessus ? Alors pourquoi quand nos enfants « débordent », notre premier réflexe est de mettre des limites alors qu’il suffit de baisser le gaz ? »
Isabelle Filliozat
Votre enfant apprend à s’exprimer, à dire s’il est d’accord ou non, à demander, etc. Même si cela s’exprime parfois de manière maladroite il n’en reste pas moins que votre enfant cherche à communiquer quelque chose. Gardons à l’esprit que ce n’est pas en menaçant et en donnant des récompenses que nous obtiendrons un résultat efficace sur la durée. Si nous voulons garder le lien avec notre enfant il est primordial de rester dans la compréhension du monde de l’autre, dans le partage et le respect profond.
« Ce qui est nécessaire ce ne sont ni les menaces, ni les promesses, mais les conditions de vie. »
Maria Montessori