Mon enfant me manipule-t-il ? - Le café des parents

Mon enfant me manipule-t-il ?

Vous est-il déjà arrivé d’entendre quelqu’un dans votre entourage dire « laisse-le pleurer » ou alors « tu réponds à toutes ses demandes, ton enfant te manipule » ? Vous est-il déjà arrivé de le penser de quelqu’un ? De vous-même ? Vous êtes-vous déjà demandé si votre enfant vous manipulait ?

Cet article cherche à expliquer comment fonctionne votre enfant au niveau cognitif et comment il construit son rapport à la sécurité. Je tenterai de faire état des différentes recherches en la matière mais aussi de vous inviter à vous écouter vous-même.

 

Laisser son bébé pleurer ?

Dès le plus jeune âge, votre enfant communique par les pleurs. Qu’il ait faim, peur, mal ou sommeil : il pleure. Certaines personnes pourront alors parfois vous conseiller de « laisser votre bébé pleurer » pour qu’il « s’habitue » à ce que vous ne soyez pas toujours présent ou disponible.

Il existerait une croyance générale selon laquelle un parent puisse être « trop » présent pour son enfant et risquerait d’en faire un petit être « gâté » ayant l’habitude de tout avoir tout de suite.

A ce sujet, je vous invite à lire l’article de Gina Louisa Metzler dans le Huffingtonpost qui stipule :

« Quand un bébé pleure sans être consolé par ses parents, son niveau de stress augmente. Car, à travers ses cris, il souhaite faire entendre quelque chose à ses parents […]. Il est totalement dépendant d’eux et ne peut s’occuper de lui-même. Si ses appels sont ignorés, son corps est inondé d’hormones de stress. Sur la durée, cela peut endommager son système nerveux central. Sa croissance et son potentiel d’apprentissage peuvent également s’en ressentir. »

Cela souligne l’importance de répondre aux sollicitations de votre bébé sans trop tarder lorsque celui-ci demande votre attention.

 

Alors comment adapter au mieux nos réponses dans ce type de situations ?

Revenons d’abord en quelques lignes sur certaines étapes du développement de l’enfant, notamment le concept de « permanence de l’objet », développé par Jean Piaget (psychologue Suisse). Dans sa théorie, il explique comment l’enfant conçoit l’objet et surtout comment il perçoit sa présence, son absence, etc.

Jean Piaget nous dit, qu’avant 8 mois l’enfant ne peut pas comprendre qu’un objet se déplace. Ce qui signifie que si un objet lui est caché (ou lui est invisible pour les yeux à un moment donné) il n’existe pas. L’enfant n’a pas la capacité cognitive à ce moment-là d’imaginer que l’objet est ailleurs. Il va chercher un objet invisible toujours au même endroit (« à sa place ») et même si on le déplace devant lui, il le cherchera au même endroit (« où il doit être »).

Après 12 mois, il commencera à comprendre qu’un objet peut se déplacer s’il le voit se déplacer. Si nous le changeons de place sans qu’il ne le voie, il ne le cherchera pas ailleurs.

Après 18 mois, la permanence de l’objet s’acquiert définitivement ; l’enfant comprend qu’un objet peut se déplacer et s’il ne le voit pas alors il le cherchera ailleurs. Dès cet âge, il est donc possible que votre enfant soit moins angoissé de ne pas se trouver dans la même pièce que vous et se déplace pour vous rejoindre.

Sachant cela, nous comprenons que l’enfant qui pleure est rassuré de voir venir son parent, cela le réconforte de savoir que vous êtes là et que vous arrivez lorsqu’il en a besoin. Il est important de garder à l’esprit qu’avant 18 à 24 mois, lorsque vous êtes invisible aux yeux de votre enfant c’est comme si, pour lui, vous n’étiez pas là.

 

Qu’expriment les pleurs ?

La psychologue Héloïse Junier, dans son article « Les pleurs des bébés : un grand malentendu », nous éclaire à ce propos.

Selon elle : «  quand les pleurs ne sont pas qualifiés de coliques, ils sont considérés comme le signe d’une « manipulation » de l’enfant, d’un « caprice » auquel il est préférable de ne pas répondre sous peine de devenir l’esclave de ce bébé tyran et persécuteur (ou presque) ».

Les pleurs du bébé ne seraient alors ni un langage, ni une manipulation, ni forcément l’expression d’un mal-être physique.

Comme le précise Héloïse Junier, « la recherche en neurobiologie a maintes fois confirmé que l’enfant n’était pas en capacité de pleurer de manière volontaire et contrôlée pour interpeller son entourage. Les pleurs ne sont pas déclenchés par le cortex, le cerveau supérieur, de manière volontaire donc, mais par des réseaux issus de cerveaux primitifs sur lesquels il est impossible d’agir ».

C’est là que je vous invite à la réflexion. Il est répandu dans nos sociétés de prêter aux enfants des comportements adultes, d’imaginer qu’ils sont manipulateurs, calculateurs, etc. C’est ce que l’on nomme « adultomorphisme » et qui consiste à prêter à l’enfant des réactions propres à l’adulte. Or l’enfant, en tant que sujet en développement, n’est pas un adulte miniature et n’est pas capable des mêmes choses tant sur le plan physique que sur le plan cognitif.

Pourquoi chercher à consoler à tout prix ?

C’est l’article d’Héloïse Junier qui a récemment fait émerger chez moi cette réflexion : pourquoi vouloir à tout prix consoler notre enfant afin qu’il ne pleure plus ?

Plusieurs recherches ont mis en avant l’importance des pleurs dans l’évacuation de substances telles que l’adrénaline et la noradrénaline, permettant donc à l’organisme de s’apaiser.

Or il est très difficile, en tant qu’adulte, de faire face aux pleurs d’un enfant. Cela peut premièrement nous faire perdre patience mais aussi nous amener à nous sentir impuissants ou de « mauvais parents ». Pour consoler l’enfant en face de nous et ne pas avoir à faire face à ses pleurs nous avons tendance à attirer son attention sur autre chose : au travers de chatouilles, de blagues, de propos tels que « allez tu es un(e) grand(e) garçon (fille) », etc. Cette attitude, aussi bien intentionnée soit-elle, ne légitime pas les émotions traversées par l’enfant à ce moment-même. A ce sujet n’hésitez pas à lire l’article éviter le conflit par le jeu qui vous éclairera sans doute sur l’importance de reconnaître les émotions de l’enfant.

L’important, lorsque notre enfant est en détresse, est de lui offrir notre présence et notre écoute. Et cela en cherchant à comprendre l’origine des pleurs plus qu’en cherchant à tout prix à les faire cesser.

Alors vous me direz, d’accord quand mon enfant ne peut pas parler, il pleure car il n’est pas encore autonome et a besoin de moi. Mais une fois qu’il a deux ans, qu’il marche et s’exprime n’est-il pas en mesure de me manipuler ? De faire des crises ? Qu’exprime-t-il lorsqu’il pleure ou crie ?

 

Faire la différence entre une « crise » et une véritable angoisse

Avant tout réfléchissons ensemble à ce qu’est une « crise ». Qu’entend-t-on par cela ? Que cherche-t-on finalement à exprimer ?

Lorsque nous parlons de « crise », bien souvent nous faisons référence à une réaction forte de l’enfant produite dans le but de nous faire céder.

Exemple typique : je fais les courses avec mon enfant et celui-ci désire une friandise, il pleure pour que je la lui achète.

Il me semble alors que le nœud du problème est là. Dans l’exemple que je cite plus haut, j’écris volontairement des mots que nous, adultes, utilisons fréquemment. En disant « mon enfant pleure pour que je lui achète quelque chose » finalement j’émets là une interprétation d’adulte.

A nouveau, il est important de ne pas prêter à l’enfant des comportements adultes (adultomorphisme) qui nous mènent à tirer des conclusions sur son comportement alors qu’il n’est pas en capacité de raisonner comme nous.

Prenons à nouveau cet exemple mais en ne nommant que les faits que nous pourrions observer :

  • Je fais les courses avec mon enfant.
  • Il me demande de lui acheter une friandise.
  • Je refuse.
  • Il pleure.

Maintenant questionnons nous sur la manière d’interpréter ces faits. Pourquoi mon enfant pleure-t-il ? Parce qu’il est frustré et que son corps réagit ou parce qu’il imagine qu’en hurlant dans le magasin je vais être gêné et finir par craquer ?

Faisons ici un détour du côté de ce qui se joue au niveau neurologique pour votre enfant avant 5 ans.

 

Pas capable de « manipuler » avant 5 ans

De nombreuses recherches tendent à montrer qu’avant l’âge de 4-5 ans, l’enfant n’est pas en mesure de comprendre ni même de penser les processus intellectuels qui se jouent chez l’autre. Il ne pourrait donc pas agir pour que vous répondiez de telle ou telle manière car il n’a pas la structure mentale lui permettant de réfléchir ainsi. Héloïse Junier dans son livre Guide pratique pour les pros de la petite enfance : 38 fiches pour affronter toutes les situations nous dit : « il [l’enfant] n’est pas en mesure de prédire ou de déduire ce que vous ferez dans telle ou telle situation. »

En effet, selon la théorie de Piaget l’enfant, avant cet âge-là, est centré sur lui-même et il lui est difficile de penser la réaction de l’autre.

« Sur les plans logique, physique et social, elle [la pensée] reste marquée par l’égocentrisme, c’est-à-dire, la centration sur le point de vue propre qui rend difficile à la fois de concevoir la perspective d’autrui et de penser simultanément des représentations alternatives d’une même réalité ».

Dans cette optique-là donc, avant 5 ans, l’enfant n’est pas en mesure de nous « manipuler » car son cerveau n’est pas capable d’imaginer la pensée ou la possible réaction de l’autre.

Héloïse Junier ajoute : « le jeune enfant peut faire semblant de jouer à la dînette, de transformer une feuille de papier en couverture pour sa poupée. En revanche, il ne peut pas faire semblant d’avoir une émotion forte. Si le tout-petit de moins de 3 ou 4 ans manifeste des comportements émotionnels aussi explosifs c’est parce que son cerveau supérieur, le néocortex, n’est pas suffisamment bien connecté avec son cerveau émotionnel pour parvenir à contrôler naturellement ces pulsions primitives de peur ou de colère. Ce n’est donc pas de la comédie, ni une tentative manipulatoire de faire « céder » l’adulte. »

L’enfant ne peut donc pas non plus « simuler » une colère et donc hurler volontairement pour vous faire réagir. Ce qu’il exprime est finalement très pur et révèle ce qu’il vit à l’intérieur.

Comprendre l’émotion de notre enfant

A la lumière de ces quelques recherches et citations reprenons maintenant ensemble l’exemple utilisé plus haut.

Vous refusez d’acheter des friandises à votre enfant. Celui-ci se met à pleurer.

Il n’est donc pas capable de penser : « si je pleure j’obtiendrai ce que je désire ». Alors que se passe-t-il dans la tête de notre petit enfant ? Sûrement est-il frustré ou en colère, peut-être traverse-t-il une émotion compliquée à gérer pour lui, peut-être que son niveau de stress augmente et ne lui permet plus d’être dans le contrôle de la réaction physique à laquelle vous assistez.

Que peut-on faire alors ?

Crier sur notre enfant ne risque que de faire augmenter son niveau de stress, d’incompréhension et donc sa réaction. Céder à ce qu’il demande pour qu’il cesse de pleurer ou crier ne l’aidera pas non plus car il risque d’apprendre que lorsqu’il hurle il peut obtenir ce qu’il désire.

Ce que je propose dans ces cas particuliers est surtout de ne pas perdre le contrôle, ni de se sentir gêné car c’est souvent là que nous perdons nos moyens, lorsque nous avons peur du regard et du jugement des autres autour de nous (surtout dans un lieu public). Expliquez à votre enfant que vous entendez son émotion et sa frustration, que vous la comprenez même, mais que pour autant (et pour diverses raisons que vous pouvez lui exposer) vous n’êtes pas en mesure de répondre à sa demande. Je vous invite à verbaliser à votre enfant que vous avez confiance en lui, que tout ira bien.

Sur le site Naître et Grandir nous pouvons lire : « lors de ces crises de pleurs, il est important que les parents ne doutent pas de leurs compétences parentales. Ces pleurs sont normaux et les parents n’y sont pour rien. L’important est que l’enfant sente leur présence réconfortante. »

Soyez une présence pour votre enfant mais aussi un cadre rassurant et sécurisant. En osant dire non à votre enfant et en étant capable de faire face à ses larmes, vous le rassurez et participez à rendre son environnement stable et sécurisant. Si vous n’êtes pas disposé à répondre de manière bienveillante à votre enfant à un moment précis car vous êtes fatigué ou car vous ne vous sentez pas en mesure d’avoir la ressource de faire face à une réaction forte de sa part dans un lieu public, essayez de quitter ce lieu rapidement et revenez y plus tard. Il est aussi normal lorsqu’on est parents de ne pas toujours se sentir patient face aux réactions de nos enfants.

 

 

 

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