L'éducation positive : mode ou méthode efficace ? - Le café des parents

L’éducation positive : mode ou méthode efficace ?

Depuis plusieurs années les concepts de « pédagogie positive » ou « d’éducation positive » inondent les librairies, les blogs et les discussions. Si certains y trouvent leur compte d’autres semblent au contraire se sous-estimer et culpabiliser face à  ce nouveau concept difficile à comprendre.

Le terme de ‘positif’ reste un terme très flou. Quel parent me direz-vous souhaite pour son enfant une éducation ‘négative’ ? Evidemment, chaque parent souhaite pour son enfant le meilleur. Alors pourquoi parle-t-on de pédagogie « positive », quel concepts se cachent derrière ce terme et comment peut-on s’en servir pour mettre en œuvre toute notre bonne volonté de parents ?

 

Pourquoi l’éducation « positive » ?

Selon le dictionnaire le mot positif signifie : « affirmatif ; pratique ; favorable ». Cette éducation peut aussi avoir le nom de « bienveillant » qui selon L’internaute est : « la capacité à se montrer indulgent, gentil et attentionné envers autrui d’une manière désintéressée et compréhensive ».

Selon les termes, si l’on n’applique pas la « pédagogie bienveillante et positive » on applique donc l’inverse qui serait « négative et malveillante ». Précisons donc immédiatement que ce n’est pas le cas. Nous préférerons utiliser le terme de « traditionnel » pour l’éducation que nous appliquons de manière « instinctive » car nous nous inspirons de ce que nous avons vécu, lu ou entendu au cours de notre vie.

De même que dans le domaine de la psychologie, depuis quelques années nous voyons émerger un courant qui se nomme : « psychologie positive ». Nous imaginons bien qu’il n’existe pas en opposition un courant de psychologie « négative » sinon qui souhaiterait assister à une telle thérapie ?

La psychologie positive « étudie ce qui donne un sens à la vie », selon son fondateur, Martin E. P. Seligman. Elle doit donc, pour pouvoir se mesurer et se travailler, se centrer sur l’être humain et sur ce qui, selon lui, améliore son bien-être.

Comme pour la psychologie positive, l’éducation positive ne doit pas chercher à ignorer ou empêcher les expériences négatives mais bien à canaliser toute son énergie sur le meilleur.

C’est ainsi que je souhaite définir et partager l’éducation positive comme centrée sur l’humain. Centrée sur vous, en tant que parent mais aussi centrée sur votre enfant. Nous visons là le « mieux être » des parents mais aussi des enfants à importance égale.

Tendance ou véritables recherches ?

Aujourd’hui, avec l’arrivée de plus en plus d’informations au sujet d’une pédagogie différente nous avons le sentiment de voir là émerger une « tendance » plutôt que le résultat de véritables recherches scientifiques.

Il est facile de se perdre dans toutes les informations disponibles. Certains articles se servent d’études réelles pour étayer leur propos (ce qui est appréciable), mais parfois s’étendent sur des descriptions trop scientifiques qui peuvent perdre les parents. D’autres articles usent de titres choc comme « les cris endommagent le cerveau des enfants » ce qui peut créer chez les parents non seulement une grande culpabilité mais aussi beaucoup de découragement.

Depuis plus de cent ans, différents chercheurs, philosophes, médecins et pédagogues se sont questionnés non-seulement sur le développement de l’enfant et de son intelligence mais aussi sur comment lui fournir les clés nécessaires afin qu’il puisse grandir en s’épanouissant.

Quelques recherches :

Maria Montessori

Au début des années 1900 Maria Montessori, médecin italienne, développe une pédagogie du même nom centrée sur l’enfant et sur l’apprentissage par les sens. Si Maria Montessori a développé un matériel éducatif sensoriel propre à sa pédagogie elle a aussi écrit de nombreux ouvrages sur la philosophie qui accompagne ses écoles. Il s’agit de redonner à l’enfant sa dignité d’être humain en lui permettant de devenir autonome, de développer son estime de soi, en lui faisant confiance et en laissant se révéler la richesse qu’il a en lui. Elle cherche à nous expliquer dans différents ouvrages comme L’Enfant que celui-ci est capable d’obéissance tant qu’il est compris et respecté dans ses besoins profonds.

« L’esprit de l’enfant est disposé, jusqu’à ses racines, à l’obéissance. Seulement, quand l’adulte lui demande de renoncer à la commande du moteur qui le construit avec des lois inaltérables, l’enfant ne peut pas obéir. C’est comme si, à l’époque de la dentition, on lui demandait d’arrêter celle-ci, d’empêcher ses dents de sortir. Les caprices et la désobéissance de l’enfant sont les explosions d’un conflit vital entre sa poussée créatrice et son amour de l’adulte, qui ne le comprend pas.»

Maria Montessori, L’Enfant.

Pour mieux comprendre les principes de bases d’une éducation Montessori je vous invite à lire notre article sur les écoles qui l’appliquent.

Aux alentours des années 1960 nous voyons émerger deux auteurs, psychologues américains.

Thomas Gordon

Premièrement, Thomas Gordon qui a élaboré les ateliers Parents efficaces  et un livre du même nom ainsi que d’autres ouvrages sur le thème de la parentalité.

Dans son livre Comment apprendre l’autodiscipline aux enfants, Thomas Gordon nous donne l’exemple d’une étude menée par David Aspy et Flora Roebuck en 1983 auprès de dix-mille élèves et six cent enseignants. L’idée était de comparer des classes dont les professeurs connaissaient des techniques d’éducation positive et les appliquaient contre des classes où ce n’était pas le cas. Leurs résultats nous montrent que les enfants des classes où les professeurs appliquent « l’écoute empathique, l’acceptation, le respect et l’estime » étaient plus à même d’avoir de meilleurs résultats, plus de plaisir au travail, posaient moins de problèmes de discipline et avaient développés estime d’eux-mêmes, étaient capables de résoudre les conflits seuls, etc.

Son travail nous invite donc à voir l’enfant différemment et à appliquer une méthode d’éducation (tant à la maison qu’à l’école) plus à l’écoute de l’enfant et de ses besoins. Ainsi, l’enfant qui se sent respecté est plus à même d’être à l’écoute et respectueux des besoins et demandes de l’adulte.

Texte de Thomas Gordon à télécharger !

Marshall B. Rosenberg

Ensuite, Marshall B. Rosenberg, lui, développe le concept de Communication Non-Violente. Avec cette nouvelle méthode de communication il nous propose non seulement une nouvelle manière de faire part de nos émotions et de nos besoins, mais aussi une nouvelle manière de percevoir l’autre.

« Les jugements portés sur autrui sont des expressions détournées de nos propres besoins inassouvis. »

Ce qu’il cherche à nous dire par là, c’est qu’il n’est pas utile de juger l’autre, que cela n’améliorera en rien la manière dont nous nous sentons. Au lieu de poser un jugement nous veillerons plutôt à exprimer ce qu’il se passe en nous.

Si par exemple un professeur dans une école donne son cours et un enfant bavarde continuellement. Au lieu de lui dire « tu es vraiment mal élevé, tu ne respecte pas mon cours » le professeur pourrait plutôt lui dire : « lorsque tu parles durant la classe je me sens découragé car je voudrai que tu sois en mesure de comprendre mon cours et que les autres soient aussi capables d’entendre ce que je dis. Penses-tu que tu pourrais discuter avec tes amis à un autre moment, à la récréation par exemple ? ».

La différence ici est qu’au lieu de poser un jugement de valeur sur un enfant, nous allons lui exprimer ce que nous ressentons en nous (ici du découragement) lorsqu’il a un comportement précis (ici bavarder). Puis nous lui exprimerons nos besoins (ici que les enfants soient tous en mesure d’entendre et de comprendre le cours). Et finalement nous l’inviterons à trouver une solution précise (ici trouver un autre temps pour converser avec ses amis).

« Donner avec bienveillance est autant au bénéfice de celui qui donne que de celui qui reçoit. »

Lorsque nous agissons avec bienveillance, lorsque nous décidons de ne pas tenir l’autre pour responsable des émotions que nous ressentons, alors cela permet de dénouer le conflit de manière plus paisible. Il s’agit de renouer avec l’autre en tant qu’être humain, à égal avec nous, sans jugement et dans l’accueil profond de ce qu’il est.

Pour aller plus loin sur la Communication non-violente je vous invite à lire ce livre : Les mots sont des fenêtres (ou des murs)

Jane Nelsen

Plus récemment ensuite nous avons les travaux de Jane Nelsen, elle aussi psychologue américaine et mère de sept enfants. Le sous-titre de son livre La Discipline Positive est d’ailleurs « éduquer avec fermeté et bienveillance ». J’insiste ici sur cette jolie opposition entre d’un côté la fermeté et d’un autre la bienveillance. Mon article sur l’autorité coopérative vous permet d’ailleurs de comprendre que lorsque l’on parle d’éducation positive il ne s’agit pas de laisser l’enfant complètement libre et livré à lui-même mais bien de trouver, comme dit dans le texte de Thomas Gordon (plus haut), un juste milieu entre les besoins du parent et les besoins de l’enfant. Jane Nelsen s’inspire de la philosophie d’Alfred Adler et Rudolf Dreikurs qui partent de différentes observations qui auraient amenés les enfants de nos générations actuelles à avoir un comportement beaucoup moins « soumis » face à l’autorité parentale. Selon ces auteurs, les enfants n’ont plus le modèle de société dans laquelle on se soumet mais bien une société de libertés. Ils ont donc besoin d’être guidés dans ce nouveau modèle afin de comprendre leur place et de pouvoir agir en relation avec cela.

« Il est essentiel que les adultes éduquent à la responsabilité, en étant des porteurs d’autorité, de repères éducatifs, tout en leur garantissant respect et dignité […]. Il est donc essentiel d’insister sur le fait que se détourner des punitions ne signifie en aucun cas autoriser les enfants à faire tout ce qu’ils veulent. A nous parents et enseignants, de leur fournir les opportunités d’apprentissage dont ils ont besoin pour développer le sens des responsabilités en lien direct avec l’autonomie et les privilèges qui y sont rattachés. » Jane Nelsen

Aujourd’hui encore des personnes comme Isabelle Filliozat ou Catherine Dumonteil-Kremmer continuent de nous inspirer et de nous inviter à appliquer une approche plus bienveillante.

Qu’est ce que l’éducation positive et comment l’appliquer ?

Finalement si on rassemble toutes ces recherches on observe que plusieurs choses ressortent.

  • Placer l’être humain au centre de la réflexion (c’est-à-dire percevoir l’autre comme il est avec sa propre personnalité et ses propres besoins).
  • Abolir les punitions et récompenses pour utiliser une méthode plus coopérative et respectueuse, dans un rapport d’égal à égal et non pas de supériorité.
  • Faire preuve d’empathie, d’écoute et surtout de beaucoup d’amour.

Il s’agit alors non pas d’entrer dans la permissivité mais bien de trouver un terrain d’entente entre mes besoins d’adultes et les besoins et émotions de l’enfant.

Je voudrai vous inviter à voir l’éducation positive non pas comme une « solution miracle » mais bien comme une proposition d’outils pour mieux comprendre votre enfant et l’accompagner. Il n’existe pas selon moi de « parent parfait » ni de « solution parfaite » mais l’éducation positive souhaite nous offrir un nouveau regard sur l’enfant.

L’éducation positive est souvent vue comme une éducation laxiste où l’on laisse l’enfant libre de choisir ce qu’il veut faire et quand il veut le faire, le tout sans jamais le contrarier ni le frustrer. Cependant ce que l’éducation positive souhaite défendre, c’est uniquement que les besoins de l’enfant doivent être entendus au même titre que ceux des parents et que, parents et enfants doivent pouvoir coopérer main dans la main pour trouver des solutions. Je vous renvoi plus haut au texte de Thomas Gordon que je vous invite à télécharger.

« La bienveillance ne signifie pas céder aux demandes des enfants, les protéger des frustrations, voler systématiquement à leur secours, les gâter avec excès, intervenir à chaque instant. » Jane Nelsen

Il s’agit de communiquer de manière bienveillante, d’écouter et d’entendre ce que l’enfant nous dit mais pas de céder à toutes ses demandes. Le parent doit rester dans son rôle et poser les limites à une vie saine et sécuritaire pour l’enfant tout en écoutant et respectant au maximum les besoins de celui-ci. Selon Jane Nelsen se montrer respectueux du monde de l’enfant consiste à la fois à « valider le ressenti attaché au comportement : je vois que tu es déçu, en colère, contrarié, etc. » et à la fois à « avoir confiance en eux pour survivre à la déception et leur permettre ainsi de développer le sentiment d’être capable ». Avoir confiance en son enfant pour apprendre à supporter la déception ou la frustration est aussi lui donner les clés pour être un adulte plus autonome.

Par exemple si mon enfant est en colère contre son frère ou sa sœur et que ceux-ci se disputent. Au lieu de simplement me mettre moi aussi en colère je vais chercher à écouter l’émotion et le besoin qui existent en eux et les aider à trouver une solution pour que tout le monde puisse se sentir mieux. Si ceux là sont trop en colère pour être au même endroit à ce moment là je les inviterai à se séparer jusqu’à ce qu’ils soient prêts à communiquer.

En tant que parent je sers donc de médiateur dans cette situation et si les deux partis ne trouvent pas de solution ou ne sont pas disponibles émotionnellement pour communiquer ensemble à ce moment précis je pose la limite en les invitant à se séparer.

Il existe un préjugé sur les enfants qui tend à nous faire croire que sont des êtres manipulateurs qui cherchent uniquement à satisfaire leurs propres besoins. Et, si l’on répond trop souvent de manière positive à ces-derniers alors ils deviendront « gâtés ». Or, il ne s’agit pas là d’avoir dans l’éducation un vainqueur et un perdant, il s’agit simplement de trouver une manière de communiquer de vivre ensemble dans la joie et le plaisir, c’est cela l’éducation positive.

Il est parfois nécessaire, en tant que parent de poser la limite car il est primordial de protéger nos enfants tant au niveau physique que moral.

Pourquoi changer de méthode éducative ?

Dans son livre Comment apprendre l’autodiscipline aux enfants, Thomas Gordon fait état dans l’un des chapitres de pourquoi il est difficile pour les parents et les enseignants de changer de méthode.

Avant tout, la majorité des parents n’ont pas été éduqués dans un système comme celui-ci et ne s’en portent pas plus mal. Alors pourquoi changer de méthode quand la « traditionnelle » ne nous pose pas problème ?

Il existe différentes raisons pour repenser son schéma éducatif et les voici. L’enfant à qui l’on permet d’être ce qu’il est au plus profond de son être et que l’on soutient et respecte dans sa personne et ses besoins sera un adulte plus confiant, plus solide mais aussi lui-même plus empathique et à l’écoute des autres.

 « D’où vient cette folle idée que pour qu’un enfant se conduise mieux, il faut d’abord qu’il se sente dévalorisé ? »

Jane Nelsen

Nous ne souhaitons pas rabaisser notre enfant mais bien l’élever, lui permettre d’être ce qu’il aspire à être au plus profond de lui. Les clés de l’éducation positive sont finalement des outils qui permettent de mieux respecter son enfant et de mieux l’accompagner dans la compréhension des règles. En effet, un enfant qui vous obéit par crainte des représailles n’est pas discipliné. Pour qu’il y ait discipline, il faut qu’il y ait liberté. Il faut que l’enfant soit dans un environnement sain qui le respecte et l’entend pour ce qu’il a à dire, pour ce qu’il vit. Si nous sommes en mesure de lui offrir cela, il sera alors en mesure de décider lui-même de respecter les règles établies. Si nous impliquons l’enfant dans sa propre éducation en lui donnant la possibilité de trouver avec nous des solutions alors il sera plus à même de comprendre le sens des règles et de les respecter.

L’éducation positive c’est aussi se faire du bien à soi, en tant que parent.

Lorsque nous entrons dans le conflit avec notre enfant cela crée au sein de notre maison une tension. Lorsque le parent punis son enfant ou perd patience et crie, souvent en découle un sentiment de culpabilité et de mal-être. Alors essayer la discipline positive permet non-seulement d’offrir à notre enfant un environnement plus sain et paisible mais aussi à nous-mêmes. Apprendre à  gérer les crises c’est aussi apprendre à se déculpabiliser et à accueillir le sentiment de l’autre sans qu’il nous étouffe. Si l’enfant comprend petit à petit sa responsabilité au sein de la famille, vos besoins et ce qu’il a à faire alors le quotidien sera plus confortable pour tous.

Que retenir ?

Il s’agit premièrement de rassurer les parents sur leur capacité à éduquer leurs enfants et de leur permettre d’avoir confiance en eux.

« Avec nos enfants, on perd notre sens commun. C’est vrai ;  quand le lait déborde de la casserole, est-ce qu’il nous viendrait à l’idée de mettre un couvercle dessus ?

Alors pourquoi quand nos enfants « débordent », notre premier reflex est de mettre des limites alors qu’il suffit de baisser le gaz ? »

Isabelle Filliozat

Ici « baisser le gaz » serait finalement chercher à entendre et à comprendre ce que l’enfant exprime et ne pas entrer dans la surenchère mais plutôt calmer le jeu et apaiser les tensions par la communication.

J’utilise souvent aussi lors de mes formations l’exemple du nourrisson qui pleure. Il ne nous viendrai pas à l’idée de punir ou de gronder un bébé qui pleure. Car nous nous disons : « de quoi a-t-il besoin ? ». Soit il a faim, soit il a mal, soit il est fatigué, voilà ce que nous cherchons à comprendre. De quoi a-t-il besoin ? Et non pas « cet enfant fait une crise, il cherche à me manipuler, etc. ».

C’est de cette manière que nous devons essayer de nous positionner face à l’enfant à tout âge : « Que cherche-t-il à me dire ? De quoi a-t-il besoin ?  »

L’objectif de nos cafés des parents est aussi de permettre à ces derniers de se rencontrer pour échanger, prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls et appuyer leurs réflexions sur une base solide de concepts éducatifs et scientifiques.

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